Le Papier :
Artefact du quotidien

– PAPIER JAPONAIS MINO / GIFU –
Èvolutions et valeurs du papier Mino Washi de la préfecture de Gifu au Japon

Gifu et le Washi

岐阜と和紙

La préfecture de Gifu se situe en plein cœur du Japon, à l’est de la ville de Kyōto. Grâce à un environnement riche en ressources naturelles, la région a su développer au cours des siècles de nombreux savoir-faire traditionnels, notamment dans les domaines de la menuiserie et de la métallurgie.

La préfecture de Gifu est aussi connue comme l’un des hauts lieux historiques du Japon. À l’occasion de cette nouvelle exposition, la préfecture de Gifu a choisi de mettre à l’honneur, parmi les nombreuses traditions dont elle est dépositaire, le Minowashi, l’un des plus prestigieux papiers japonais (washi).
L’histoire du Minowashi s’étire sur plus de 1 300 ans, période au cours de laquelle se sont développées différentes techniques traditionnelles de fabrication du washi. L’une d’elle, le Honminoshi, qui désigne aussi bien le procédé de fabrication à la main que le papier qui en dérive, est entrée au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2014. Le papier Honminoshi se distingue en tout premier lieu par un grain d’une qualité et d’une régularité sans pareilles. Il est aussi caractérisé par son exceptionnelle finesse et sa grande résistance.

Preuve de cette extrême solidité : la découverte de registres sur papier Minowashi vieux de plus de 1300 ans, précieux témoignage des us et coutumes de cette époque lointaine. Imprégné d’histoire, pétri de culture et de savoir-faire, paradigme de qualité, le Minowashi est l’incarnation de l’excellence japonaise. Si le Minowashi a pu voir le jour, c’est grâce à l’environnement particulièrement propice de la région de Gifu. Montagnes majestueuses, rivières abondantes et ingéniosité de l’homme qui a su faire fructifier cette nature généreuse, forment une trinité dont le Minowashi est le fruit mais aussi le miroir de la nature grandiose de Gifu.

 

La France et le Washi

フランスと和紙

À l’automne 1613, une ambassade japonaise fut dépêchée à destination du Mexique et de l’Espagne. Partie de la région du Tōhoku, cette ambassade s’inscrivait dans la lignée de précédentes, toutes en direction de l’Europe.
À l’automne 1615, en raison d’intempéries, l’ambassade fut contrainte de faire escale en France. Les archives de l’époque font alors mention de soldats utilisant en guise de mouchoirs des « Kaishi », des feuilles de washi pliées que l’on portait sur soi. Il s’agit à ce jour de la plus ancienne trace de relation franco-japonaise enregistrée et constitue la première mention de washi dans des archives françaises.

Après cela, le washi disparait complètement des chroniques françaises et ce pendant plus de deux siècles. Ce n’est qu’en 1867, à l’occasion de la seconde exposition universelle organisée à Paris, que le washi réapparaitra sur la scène française. On peut ainsi voir figurer sur la liste des produits présentés lors de cette exposition le nom de Minowashi.

Il est émouvant de penser que la véritable, à défaut d’être la première, rencontre du public français avec l’univers du washi s’est faite notamment à travers le Minowashi, représentant du savoir-faire japonais dans le domaine du papier lors de l’exposition de 1867.
Par la suite très prisé des amateurs qui l’ont érigé en véritable objet de collection, le washi n’en reste pas moins l’apanage d’un petit groupe d’initiés. Les destins croisés de la France et du washi au cours de l’histoire contribuent à donner à cette nouvelle exposition une dimension supplémentaire et encore plus de profondeur.

Fabrication du Honminoshi

本美濃紙の制作工程

Le papier Honminoshi est obtenu à l’issu d’un procédé de fabrication long et minutieux dont nous vous présentons ci-dessous les principales étapes.

Matière première : le kōzo (mûrier japonais)
Le papier Honminoshi est fabriqué à partir d’un matériau de première qualité, le nasu kōzo(arbre de la famille du mûrier) cultivé dans la préfecture d’Ibaraki.

Kawasarashi-Suisarashi (Trempage)
L’écorce de mûrier est tout d’abord laissée à tremper pendant plusieurs jours dans les eaux pures des rivières de Gifu, opération au cours de laquelle l’écorce blanchit naturellement et se débarrasse de ses impuretés.

Kamini-Shajuku (Ébouillantage)
L’écorce de mûrier est ensuite bouillie dans une eau où ont été dissous de la cendre issue de bois et de végétaux et des cristaux de soude jusqu’à obtenir l’assouplissement des fibres.

Kamishibori-Chiritori (Essorage -Élimination des impuretés)
Les impuretés restantes sont retirées à la main avec le plus grand soin. Cette étape s’effectue au niveau du Kawaya, un espace spécialement aménagé où coule une eau pure.

Kamiuchi-Koukai (Battage)
Afin de séparer les fibres les unes des autres, l’écorce est battue à l’aide d’un maillet en bois à la forme de cône tronqué, spécifique à la fabrication du Honminoshi.

Nebeshi (Mucilage)
Le nebeshi est une substance visqueuse issue de l’Aibika que l’on obtient après broyage des racines et addition d’eau. Il permet d’éviter que les fibres de mûrier ne s’agglutinent et ne précipitent au fond de la cuve.

Kamisuki (Fabrication des feuilles de papier)
1ère étape : le brassage
Les fibres de mûrier sont brassées dans le Sukifune (grande cuve en bois) où se trouve un mélange d’eau et de nebeshi qui permet aux fibres de rester en suspension dans l’eau et d’éviter qu’elles ne s’agglutinent.

2ème étape : le tamisage
À l’aide d’un cadre en bois muni d’un tamis, les fibres sont recueillies et tamisées au niveau duSukifune. La technique de tamisage utilisée est spécifique au Honminoshi : on réalise de larges mouvements de façon verticale mais aussi horizontale, ce qui permet l’entrecroisement et la bonne répartition des fibres sur le cadre.

3ème étape
Le tamis sur lequel se sont déposées les fibres pour former une feuille est ensuite sorti duSukifune et placé sur le tanedai (sorte de petit établi en bois), avec la face papier au contact de la table. Le tamis est ensuite décollé de la feuille qui reste sur le tanedai. L’opération est ensuite renouvelée et les feuilles empilées pour former un bloc que l’on laisse reposer toute une nuit.

Dassui-Assaku (Essorage-Pressage)
Pour se débarrasser du surplus d’eau encore restant, on exerce un pressage doux sur le bloc de feuilles Honminoshi.

Kamiboshi (Séchage)
Après essorage, les feuilles sont détachées du bloc une à une et étalées à l’aide d’une brosse spéciale sur de grandes plaques de marronnier que l’on met à sécher au soleil.
Sous l’action de la lumière du soleil, le papier blanchit naturellement et acquiert une texture, une patine et une couleur exceptionnelles qui font toute la singularité du Honminoshi.

Senbetsu (Tri)
Les feuilles de Honminoshi sont ensuite triées avec la plus grande rigueur en fonction non seulement de leur épaisseur mais aussi de leur couleur et de leur texture. Pour ce faire, on examine les feuilles une par une en regardant la façon dont elles filtrent la lumière du soleil.

Kamikoshirae-Saidan (Finition-Découpe)
Pour parfaire la fabrication du Honminoshi, les feuilles de papier sont empilées puis découpées selon des dimensions bien précises.